GreenTech Forum 2024 : Quelle direction donner au Numérique Responsable ?
2025-01-10
Les 4 et 5 novembre derniers, la 4e édition du GreenTech Forum a investi le Palais des Congrès de Paris. Extia y était évidemment représentée à travers sa Communauté Métier « Green Tech » et son offre Hetix, afin de suivre et de contribuer à l’évolution du Numérique Responsable (NR) en France.
Passer de la sensibilisation à l’action
Les ateliers, tables rondes et conférences ont confirmé un constat partagé : le temps de la sensibilisation est derrière nous. Il s’agit désormais de passer à l’action pour réduire l’impact environnemental du numérique, dont la croissance demeure incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Pour y remédier, Laure de La Raudière, présidente de l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des postes et de la distribution de la Presse), prône une gestion "pharmacologique" du numérique : respecter une posologie stricte pour limiter les effets secondaires.
Acteurs publics et privés : moteurs de la transition
La France s’affirme comme un précurseur européen grâce à des lois structurantes telles que :
- La loi AGEC (anti-gaspillage),
- La loi REEN (réduction de l’empreinte environnementale du numérique),
- L’obligation pour les collectivités de plus de 50 000 habitants d’élaborer une stratégie NR d’ici 2025.
Ces lois ont permis des avancées tangibles comme l’établissement de l’ARCEP comme régulateur du numérique ou l’élaboration du Référentiel Général d’Éco-Conception des Services Numériques (RGESN).
Certaines collectivités ont présenté des retours d’expérience inspirants :
- Lyon Métropole privilégie le matériel reconditionné pour réduire l’empreinte de son système d’information.
- Lamballe Terre et Mer s’aligne sur les objectifs SBTi, visant une réduction de 25% des émissions liées au numérique d’ici 2028, autour de quatre axes clés :
- La gouvernance du NR, en intégrant cette dimension dans les instances décisionnelles,
- La sobriété à travers l’augmentation de la durée de vie des terminaux, le réemploi, l’écoconception,
- L’inclusion numérique, forcément primordial dans des collectivités attachées à la notion d’accès au droit et aux services,
- La formation des acteurs aux enjeux du NR.
Cette démarche se retrouve également dans les grands groupes, comme SNCF et Crédit Agricole Titres et Services (CA-TS) :
- La SNCF a désigné des référents NR pour chaque DSI et sensibilisé massivement ses équipes via des MOOC et des serious games comme la Fresque du Numérique. Elle travaille aujourd’hui sur la dotation en équipement de ses agents, et l’allongement de la durée de vie des terminaux.
- Le CA-TS applique un budget carbone par Direction, et intègre des critères NR dans l’analyse de risques des nouveaux projets SI. Cela permet de challenger les besoins de nouveaux outils numériques.
L’importance des achats responsables a longuement été rappelée. Certains acteurs, dans leurs appels d’offres, incluent ainsi des critères RSE qui peuvent parfois compter pour 30% de la note finale. Cette exigence, expliquée avec les fournisseurs, permet de les challenger et de structurer toute la filière. Elle se heurte cependant parfois à l’opacité de certains acteurs, comme quelques Cloud Providers (fournisseurs de Cloud) pas toujours ouverts sur les méthodologies d’évaluation d’impact environnemental de leurs activités, et aux données souvent hétérogènes.
Standardisation et outils : les clés de la maturité
La standardisation des mesures et du reporting est cruciale pour évaluer de manière fiable l’impact environnemental de nos activités, et faire des choix éclairés de fournisseurs. La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui oblige un reporting multicritère, est ainsi vue comme une opportunité pour disposer enfin de données fiables et harmonisées sur toute la chaîne de valeur. Les efforts présentés par l’ADEME pour définir des Règles de Catégorie de Produit (RCP) applicables au numérique vont également dans ce sens.
De nombreuses solutions d’éditeurs présents sur le salon visaient à permettre ce reporting multi-critère. Beaucoup se reposent sur les communs ouverts fournis par Boavizta, mais ne couvrent pas tout le périmètre de l’IT : difficile pour eux d’estimer l’impact du IaaS ou des solutions SaaS par exemple.
Sur l’analyse de l’impact des services numériques, deux approches se distinguent :
- Quantitative : avec des résultats issus d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) par exemple. Des solutions présentées sur le salon comme Resilio, CO2Scope, OxygenIT ou Greenspector visent à établir de telles métriques d’impact environnemental de services ou d’infrastructures
- Qualitative : via des bonnes pratiques partagées. Les deux principaux référentiels évoqués sur le salon étaient le RGESN et les “115 bonnes pratiques” de GreenIT, dont le baromètre WeNR/AGIT dit qu’ils sont au coude-à-coude. L’AFNOR Spec a également été mentionnée chez Enedis, et devrait évoluer vers une norme en 2025. A ces référentiels s’ajoutera peut-être bientôt un référentiel du W3C, dont un groupe de travail s’intéresse au sujet.
Un débat "mouvant" organisé par l’ADEME a exploré ces deux approches. Face à des affirmations telles que “une approche quantitative est obligatoire pour éco-concevoir efficacement ses services numériques”, les participants devaient se positionner dans la salle selon qu’ils et elles étaient plutôt pour ou contre. Résultat ? Les méthodologies qualitatives, souvent nourries retours d’expériences faits de mesures quantitatives, constituent un bon point de départ, mais les métriques restent indispensables pour mesurer et suivre les progrès.
Définir et suivre une trajectoire durable
Les retours d’expérience des organisations ont révélé une méthodologie commune pour réduire l’empreinte numérique :
- Lister les impacts actuels pour avoir une base de référence.
- Définir ses trajectoires, on l’a vu souvent alignées avec les SBTi et les enjeux RSE de l’entreprise.
- Définir les leviers de réduction d’impact, en se reposant sur des simulations pour évaluer leur impact et faisabilité.
- Suivre régulièrement les trajectoires, dans une logique de Plan-Do-Check-Act (PDCA).
Des outils comme Sopht ou Fruggr facilitent cette démarche en proposant des trajectoires adossées à des référentiels de bonnes pratiques.
Un point crucial évoqué lors des tables rondes : l’importance de contextualiser les attentes selon les profils d’acteurs. Par exemple :
- Développeurs : poids des pages web, nombre de requêtes,
- Ops : utilisation des ressources CPU/RAM,
- FinOps : suivi des coûts nanciers,
- Responsables RSE : suivi des métriques sociales et environnementales.
Conclusion
Le GreenTech Forum 2024 témoigne d’une montée en maturité des organisations sur le Numérique Responsable, avec des initiatives structurées. L’écosystème se structure, avec des initiatives solides et des outils performants.
Toutefois, l’essor de l’Intelligence Articielle souligne l’urgence d’intégrer l’éco-conception dans toutes les innovations. L’objectif ? Viser le juste besoin, y répondre de manière sobre, inclusive et durable, pour un avenir où le numérique respecte enfin les limites de notre planète et notre société.