Sommes-nous trop bienveillants ? - Chronique d'Emmanuelle Pays
2021-10-10
Chronique | Regard critique sur l’un des concepts vedettes de la pandémie, la bienveillance.
Le quotidien français Le Monde titrait le mois dernier « On est en train de devenir complètement nunuche : comment la bienveillance empoisonne les relations sociales ». Mais qu’en est-il ? Faut-il être de plus en plus bienveillant ? Avec les membres de sa famille, ses enfants, ses amis, ses collègues et ses employés ? Est-ce qu’on dégouline de bons sentiments ou, au contraire, on n’en fait pas assez ?
« C’est le retour du balancier », lance d’emblée Estelle Morin, professeure titulaire au département de management de HEC Montréal. « Dans les années 1990, on était loin d’être bienveillant dans les entreprises, on était plutôt exigeant, voire intolérant. » Cette dernière rappelle la définition de la bienveillance : veiller au bien des autres.
Elle estime que, pendant trop d’années, les employés ne pouvaient pas exprimer leurs doléances à leurs cadres, car ils craignaient que ça nuise à leur carrière. « Les résultats des enquêtes montrent clairement que la bienveillance a un bon effet sur les équipes. À titre de professeure, je suis bienveillante avec mes élèves, comment ne pas l’être ? Mais je reprends mes étudiants quand ils commettent des erreurs ou qu’ils ne se comportent pas bien en classe. Il faut dire les choses avec respect. Ça fait partie du contrat d’apprentissage d’être évalué ! »
Ghislaine Labelle, psychologue organisationnelle et médiatrice accréditée, pense qu’au quotidien, les gens ne sont pas dans la bienveillance. « Il y a tellement d’employés qui travaillent dans la restauration, par exemple, qui me disent à quel point les clients ne sont pas respectueux, les gens sont à fleur de peau, observe-t-elle. Par contre, en entreprise, on est passé d’une ère où on était axé sur les résultats à une ère où on est plus à l’écoute de l’autre. Les employeurs montrent qu’ils ont un souci du bien-être de leurs employés, encore plus en ces temps de pandémie. »
Parler de bonté, d’écoute et d’empathie, ça va de soi, souligne Emmanuelle Pays, directrice des ressources humaines chez Extia, une société de conseil spécialisée dans les métiers des technologies de l’information (TI), de l’ingénierie et du numérique. Selon elle, il n’y aura jamais trop d’humanité en entreprise. Mais ça ne veut pas dire que la rétroaction doit toujours être positive. « Vouloir le bien consisterait pour un manager de s’interdire de dire que quelque chose est mal fait ? s’interroge-t-elle. Assumer sa part d’humanité, c’est être authentique, donc imparfait. À vouloir éviter les désaccords et conflits, peut-on encore être juste ? »
« On sait très bien qu’en psychologie, c’est bien de se concentrer sur le positif, mais c’est devenu politiquement incorrect que de faire des recadrages en management. » Emmanuelle Pays, Directrice des Ressources Humaines, Extia
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