Repenser les modèles managériaux pour pallier toute « grande démission »
2022-05-30
Selon une étude de Morning Consult, 62 % des salariés français sondés avouaient regretter leur ancien poste et deux tiers n'avaient toujours pas retrouvé d'emploi.
Il est temps d'entériner le changement de posture des salariés vis-à-vis des entreprises et du travail.
Par Emmanuelle Pays, Directrice des Ressources Humaines et Directrice de la Communication d'Extia.
Une étrange fébrilité semble s'être emparée du monde de l'entreprise. Sous fond de tensions croissantes du marché du travail , de désaffection supposée du salariat, du désir des jeunes générations de travailler autrement - tout cela bien sûr passé au révélateur du Covid-19 -, le tsunami de la « grande démission » menacerait de s'abattre sur l'Europe.
Aux Etats-Unis, ils sont la bagatelle de 4,5 millions à avoir quitté leur emploi en mars 2022, 47 millions au total en 2021, soit 30 % de l'emploi salarié outre-Atlantique. Le « Big Quit » serait-il un phénomène purement américain ?
Si l'on en croit l'étude de Microsoft menée auprès de 31.000 personnes dans 31 pays, il n'en est rien. 43 % des salariés interrogés envisageraient de quitter leur emploi ces douze prochains mois, soit 2 points de plus qu'en 2021. Qu'en est-il en France ?
Meilleure qualité de vie au travail
Certes, avec plus de 3 millions de projets de recrutement recensés en 2022 par Pôle emploi, le nombre de postes à pourvoir a contribué à dynamiser un marché du travail déjà sous tension. Certes, le nombre de démissions a augmenté significativement entre juin-juillet 2019 et juin-juillet 2021 (+10 % et + 20 %), mais l'atonie du marché du travail en 2020 pourrait expliquer ce rebond chez des salariés ayant repoussé leur départ de quelques mois.
Sur LinkedIn, le réseau social professionnel aux 25 millions de profils actifs en France, 10 % des salariés déclaraient un changement de poste en 2021. Si on analyse ce pourcentage, à l'aune de l'ancienneté moyenne des salariés du secteur privé (entre dix et onze ans) - une ancienneté étonnamment stable depuis vingt ans -, le compte est bon et le tsunami n'en serait pas vraiment un.
Alors, pour tous ces salariés en quête - entre deux confinements - d'une meilleure qualité de vie au travail , l'herbe s'est-elle révélée plus verte ailleurs ?
Consumérisme des organisations et des salariés
Selon une étude de Morning Consult, menée entre décembre 2021 et janvier 2022 auprès des « quitters », 62 % des salariés français interrogés avouaient regretter leur ancien poste et deux tiers n'avaient toujours pas retrouvé d'emploi.
Puisqu'il s'agit d'éviter de tirer des conclusions hâtives de phénomènes récents, il est également temps d'entériner le changement de posture des salariés, en particulier les plus jeunes, vis-à-vis des entreprises et du travail.
Des chercheurs de l'EM Normandie se sont penchés récemment sur la question, mettant en exergue l'émergence d'un « salariat liquide, à la fois consommateur des organisations et organisant sa carrière en fonction des opportunités perçues, mais prenant également conscience qu'il est consommé en retour par les organisations ». Et les chercheurs de préciser, en substance, que les organisations ne peuvent pas se contenter d'augmenter les salaires ou de renforcer leur marque employeur. Car cela ne ferait que renforcer le consumérisme des salariés.
« Le véritable défi est de repenser les modèles managériaux en donnant plus de temps et d'autonomie aux collaborateurs pour permettre des relations humaines plus authentiques au travail », peut-on lire. Autrement dit, rien de bien nouveau. Juste une évidence qu'il serait bon de ne plus ignorer, au risque de priver définitivement l'entreprise de sa raison d'être.
Ecosystème ouvert sur un monde instable et réceptacle traditionnel du travail, l'entreprise doit repenser ses pratiques managériales pour construire des relations de loyauté durables avec des salariés devenus détenteurs de leur trajectoire professionnelle.
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