Télétravail : les sujets qui divisent encore
2021-11-01
Un mode de travail qui laisse en suspens quelques questions délicates
Installé pour durer, ce mode de travail - qui touche 46 % des salariés en France - laisse en suspens quelques questions délicates. A régler, pour certains, par le dialogue social et l'épreuve du terrain, ou bien, pour d'autres, par la voie réglementaire ou législative.
A l'heure où les négociations salariales s'engagent, il apparaît, chez les salariés, que la question de la qualité de leur vie professionnelle rejoint, en importance, celle du salaire. « En France, 46 % télétravaillent dont 39 % en hybride et 7 % à 100 % », indique la 8e vague du Baromètre réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine. Officialisée fin août dernier par la ministre du Travail Elisabeth Borne, la fin du télétravail imposé a cédé le pas à une forme modérée et cadrée de travail à distance. Et tout le monde s'accorde pour dire que le télétravail - pour les 46 % de salariés qu'il concerne, selon le Baromètre - va durablement s'inscrire, au sein d'un mode de collaboration hybride, dans le vaste mouvement de transformation qui saisit les entreprises.
Considérant l'urgent besoin de reformer un collectif professionnel et les attentes des salariés en termes de flexibilité et d'autonomie, les accord d'entreprises issus de la négociation collective, les chartes prévoyant l'organisation unilatérale du télétravail par l'employeur, les accords de gré à gré avec les salariés dont les clauses sont intégrées aux contrat de travail tout comme les accords oraux ou par e-mail, également possibles, ont en moyenne opté pour deux jours hebdomadaires de télétravail. Cependant, sous certains aspects, la mise en oeuvre du dispositif pose quelques difficultés et soulève déjà nombre de questions. Et pas des moindres.
Quid d'un talent qu'on ne verrait jamais ?
Selon la dernière étude de l'Association nationale des directeurs/directrices des ressources humaines (ANDRH), 15 % des DRH rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de leur accord de télétravail. Des télétravailleurs manifestent une « opposition » face aux impératifs organisationnels et font des difficultés pour regagner le bureau. Et 12 % des salariés sondés par Ipsos/Empreinte Humaine ne seraient toujours pas retournés au bureau depuis le début de la crise ; « leur niveau de détresse psychologique étant de 56 % pour ces derniers contre 36 % quand ils y sont retournés ».
Le risque est grand que ces salariés ne voient plus leur entreprise que comme « un service immatériel et interchangeable », avertit Emmanuelle Pays, DRH d'Extia. « Attention à ce que le distanciel ne se confonde pas avec une distanciation à l'égard du travail, met en garde Valérie Meimoun Hayat, avocate en droit du travail, associée du cabinet HMS. Sauf cas médical spécifique concernant un proche ou lui-même, le salarié ne peut pas refuser un retour au moins partiel au bureau à l'issue de la crise sanitaire. » Certes, pérenniser le télétravail garantit l'attraction de talents. « Mais à 100 % ? Quid d'un talent qu'on ne verrait jamais ? L'entreprise, ce n'est pas seulement de la production, c'est aussi des interactions », rappelle Benoît Serre, vice-président délégué de l'ANDRH. « Les métiers les plus 'télétravaillables' sont les digitaux, ceux dont on a justement besoin. Les soumettre à du télétravail à 100 %, c'est ouvrir la porte à la délocalisation et la concurrence mondiale », poursuit celui qui est aussi DRH France de L'Oréal. Dans un tel contexte, la France, avec ses coûts salariaux élevés et son modèle social très protecteur, serait à tous les coups perdante.
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